L’éducation est un travail d’artisan et la sexualité n’y fait pas exception! En plus des savoirs pointilleux, ce sujet dense requiert une sensibilité et une bienveillance exceptionnelles. Si l’éducation à la sexualité en milieu scolaire est obligatoire au Québec depuis plus de quarante ans, nombreuses sont les écoles à se heurter aux démarches financières et institutionnelles nécessaires à son application. Néanmoins, en 2018, le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a mis sur pied un excellent programme, en faisant appel à l’expertise de nombreux collaborateurs. Sept grands thèmes y sont abordés et se rapportent entre autres à la croissance et la santé sexuelles, les normes sociales, la vie amoureuse et la prévention des violences Avec un souci particulier de promouvoir l’égalité, ces contenus obligatoires visent à dépeindre la globalité de la sexualité et d’offrir des pistes afin de naviguer les changements associés à cette expérience « corps-coeur-tête ».

Alors que l’éducation à la sexualité génère encore certains malaises pour les parents, on vous rassure : celle-ci n’a pas besoin d’être épineuse. Il peut même s’agir d’une expérience plaisante, empreinte d’empathie. Avec la rentrée scolaire qui bat son plein, ce blog se veut un guide sur les meilleures façons d’amorcer l’éducation à la sexualité à la maison.

Un cheminement mutuel

Alors votre ados vit son éveil sexuel et amoureux. Quelle formidable étape de vie! En tant que parent, vous demeurez toujours le.la premier.ère éducateurice de votre enfant. Les expert.e.s s’entendent là-dessus : l’éducation à la sexualité est une co-construction et l’apport des parents est irremplaçable. Tandis que vous cheminez mutuellement avec votre enfant, lui en pleine croissance et vous dans l’actualisation de votre rôle, sachez que vous n’êtes pas seul.e. Une foule de ressources scientifiques et sympathiques existent précisément pour vous aiguiller. Au besoin, l’équipe-école, constituée de professionnel.elle.s en tout genre, demeure elle aussi disponible pour vous appuyer dans ces démarches.

L’éducation à la sexualité : un merveilleux cadeau à offrir

L’éducation à la sexualité est fondamentale. Elle s’inscrit plus largement dans la construction de l’identité et l’expression de soi. Au-delà des comportements sexuels et de la biologie, elle englobe l’intelligence émotionnelle, le développement d’une image corporelle et d’un estime de soi positifs, la construction de valeurs authentiques, la connaissance de son corps et de ses désirs, ainsi que le respect de l’autonomie des autres. Il y est question d’agentivité sexuelle, un concept qui fait référence au fait d’avoir du pouvoir sur sa vie et ses choix sexuels. C’est d’être capable de sainement affirmer ses besoins et limites, et de posséder les compétences

critiques permettant d’adopter des comportements sexuels qui reflètent notre mentalité et nos envies. Dit simplement, l’éducation à la sexualité est un outil. Elle vise la mobilisation d’habiletés intra et interpersonnelles, qui serviront tout au long de la vie. Elle comporte un vaste bassin de notions et de réalités, à la fois biologiques, cognitives, psychologiques, affectives, morales, spirituelles, socioculturelles, éthiques et légales.

Petit portrait

Que se cache-t-il derrière cet éveil sexuel et amoureux? Quels sont les revers de la puberté? Dressons un portrait. Les études vont toutes dans le même sens : les adolescent.e.s éprouvent une réelle envie d’apprendre et de parler de sexualité. Tel-jeunes, le populaire service d’écoute, révèle que les questions les plus fréquentes quant à la sexualité entourent l’amour et les relations. Surprenant, non? Alors qu’on s’imagine l’adolescence comme une explosion d’hormones et de sexe, c’est tout un monde de désirs et de motivations nuancées qui animent les jeunes. Cet enchantement est profondément inspirant, et il importe de le cultiver au moyen d’une éducation à la sexualité sensible. Après tout, c’est ce qui façonnera leur santé sexuelle et la qualité de leur vie romantique à l’âge adulte.

Typiquement, lors de cet éveil, les jeunes développent la façon dont iels expriment leur genre, ressentent un fort besoin d’appartenance, éprouvent un désir croissant pour la proximité, questionnent leur identité, explorent les limites et ont généralement leurs premiers contacts délibérés avec les pornographies. C’est une période charnière, marquée par le développement de l’intimité et l’adoption de nouveaux rôles. Le répertoire de questionnements possibles s’étend de « comment dire à quelqu’un qu’on l’aime? », à « comment savoir si on est prêt.e? », « comment découvrir son orientation sexuelle? », jusqu’au fameux « est-ce normal de XYZ? ». L’idée de la normalité, et plus particulièrement la crainte d’être marginalisé, abonde. C’est d’ailleurs un concept à déconstruire avec votre jeune : en matière de sexualité, c’est la diversité des expériences qui règne. Le confort et l’authenticité importent davantage que la conformité ; une belle leçon d’agentivité sexuelle.

Comprendre le développement pour mieux intervenir

Le développement psychosexuel renvoie aux différents stades cognitifs, affectifs et identitaires pavés par la puberté. Ces étapes sont intrinsèquement liées à l’âge, mais dépendent aussi de facteurs individuels (l’éducation, les valeurs, la personnalité) et sociaux (les pairs, la culture). Comprendre les mécanismes de ces stades est capital : quand il est question d’un sujet qui touche à l’intimité, il ne faut pas ébranler les jeunes en outrepassant leur rythme. Pensez-y : notre réponse à un.e ado de 12 ans sera très différente de celle donnée à un.e jeun.e de 17 ans. L’un.e à une perception plus limitée de la vie, tandis que le niveau de compréhension et de

jugement de l’autre est plus avancé. Avec ce principe en tête, on modulera notre façon d’intervenir et de combler les besoins du jeune, en assurant le plein respect de son intégrité.

On a toustes besoin de conseils…

Le temps est venu d’entamer la discussion avec votre jeune. Nulle besoin d’adopter la posture d’un.e pédagogue. L’éducation à la sexualité entre parents et enfants est un cœur à cœur.

1. Tout est dans l’attitude : avant de vous lancer, examinez vos zones de malaise et vos biais potentiels. L’éducation dépasse le simple fait de transmettre des notions, et beaucoup peut être communiqué implicitement à travers le non-verbal et le choix de mots. Une attitude ouverte et positive, libre de honte et de jugements est primordiale. Bien qu’il soit difficile de déconstruire ses inconforts, l’aisance vient avec le temps, les connaissances et la douceur. Notons qu’une attitude bienveillante aura aussi pour effet de rendre l’expérience plus agréable et significative.

2. L’écoute est essentielle : en plus d’être une méthode empathique, l’écoute constitue une bonne technique pour vous aiguiller lors de la conversation. Laissez parler votre jeune. Relancez ses questions en lui demandant ce qu’iel en pense et pourquoi. À travers ses éléments de réponse, vous serez en mesure de valider sa compréhension du phénomène et d’identifier quels éléments influencent sa réflexion (la curiosité, la peur, le discours des pairs). D’une part, il s’agit de saisir où iel se situe dans son développement psychosexuel et d’ainsi formuler une réponse adaptée. D’autre part, il importe de combler le besoin derrière la question. Il est fort possible que votre jeune ne cherche pas à recevoir une explication en long et en large sur ledit phénomène, mais plutôt à être rassuré.e, entendre un autre discours et se sentir validé.e. En s’intéressant aux raisons derrière la question, on soutient le besoin et on enrichit l’apprentissage.

3. Les livres et les ressources sont vos alliés : c’est parfois moins confrontant pour l’adolescent.e de se renseigner en toute intimité, et il est toujours plus sûr de se référer à d’autres sources d’informations lorsque vous sentez qu’un sujet dépasse vos connaissances. D’ailleurs, profitez-en pour enseigner à votre jeune comment identifier des ressources récentes et fiables. Naturellement, rappelez-lui que vous l’accueillerez si d’autres questions ou réflexions émergent. De savoir que vous êtes présent.e, véritablement, est d’une valeur inestimable.

4. La seconde chance : cette leçon est sans doute la plus précieuse de toutes. Nous avons toujours l’opportunité de nous reprendre. On peut parfois intervenir maladroitement en raison de la surprise, du malaise, de l’incertitude ; ça arrive même aux expert.e.s. Prenez le temps de songer à comment vous auriez aimé répondre et ré-initier la conversation une

fois prêt.e. Il n’y a rien de mal à exprimer à votre jeune que vous êtes déçu.e de votre réaction initiale et que vous souhaitez en parler autrement. C’est même une merveilleuse façon d’enseigner que l’erreur est humaine.

À travers tout ce processus, souvenez-vous que l’éducation à la sexualité ne se limite pas qu’aux conversations. Celle-ci se fait en permanence, dès la petite enfance, par l’entremise des discours sociaux et médiatiques ambiants : les rôles de genres, la sexualisation de certains corps… Tout cela s’inscrit parmi les croyances sexuelles que nous développerons. Une manière de lutter contre les messages problématiques, est d’inculquer à votre jeune un esprit critique. On parle ici d’éducation aux médias, une compétence nécessaire au développement de valeurs sexuelles saines et authentiques. Enseignez-lui la remise en question et encouragez-le ou la à former ses propres convictions. C’est ce qui lui permettra, enfin, de rejeter la pression des pairs et la conformité sexuelle très prévalentes dans la culture adolescente et médiatique.

Toujours une question de réflexion

Par-dessus tout, l’éducation à la sexualité entre parents et enfants devrait constituer un échange respectueux ; une expérience libre et volontaire. Si ces conseils vous inspirent, d’autres réflexions préalables s’imposent toutefois. Comment assurerez-vous que votre jeune puisse s’ouvrir en toute confiance? Comment ferez-vous pour éviter l’intrusion et désamorcer la gêne? De quelles manières pouvez-vous être transparent.e, tout en évitant de dévoiler des informations inadaptées? Qu’en est-il de ce qu’il vous reste à apprendre, de sorte à pleinement mobiliser chez votre jeune une compréhension positive et globale de la sexualité? La beauté de l’éducation, c’est qu’il y a toujours des apprentissages transversaux. En investissant ceux-ci, vous continuez d’être le modèle positif et constructif que votre jeune mérite. Par exemple, en respectant le rythme et le consentement de votre jeune, vous l’empouvoirez et lui apprenez à valoriser les limites d’autrui. En préservant votre intimité, vous lui enseignez simultanément à valoriser la sienne. En offrant des interventions sérieuses, sans euphémismes ni vulgarités, vous lui démontre que la sexualité n’est pas un sujet « niaiseux », mais plutôt un qui mérite de l’intérêt. En fin de compte, le travail de parent est lui aussi un travail d’artisan. Chapeau à vous toustes!

Toujours une question de bienfaits

La sexualité humaine réunit besoins, plaisir, sentiments et responsabilités. C’est une dimension de la vie toute aussi importante que les autres. Il est d’autant plus faux de croire qu’en parler aux jeunes encourage la précocité. Ce mythe a bien été déboulonné par le nombre d’études démontrant que l’âge des débuts sexuels et les types de comportements sexuels n’ont pas particulièrement changé depuis les trois dernières générations. Les pays qui démocratisent une éducation à la sexualité positive ont d’ailleurs les plus faibles taux de grossesses non-désirées, de violences sexistes et sexuelles, et de comportements à risques. À croire qu’avec la connaissance,

vient la compétence. Bien que ce guide n’ait pas le mérite d’être exhaustif, il peut certainement vous aider à amorcer le processus de manière compatissante et informée. Enfin, je vous laissent avec cette petite réflexion : le sexe, c’est ce qu’on fait et la sexualité, c’est qui on est. L’éducation à la sexualité, c’est de soutenir l’épanouissement de l’être.

Petites ressources scientifiques, actuelles et pertinentes

  1. Le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec (ainsi que ses contenus obligatoires en éducation à la sexualité datant de 2018).
  2. SEXOclic, qui élabore des contenus sur le développement psychosexuel des jeunes en partenariat avec le gouvernement du Québec.
  3. L’organisme On SEXplique ça, spécialisé en services d’éducation à la sexualité positive.
  4. L’organisme AlterHéros, destiné aux jeunes en réflexion sur leur orientation sexuelle et identité de genre.