Qu’est-ce que vous imaginez quand vous entendez le mot « kink »? Un habit de latex, des bottes à talons aiguilles et un fouet en cuire? Bien qu’Hollywood et les pornographies tendent à dramatiser ses représentations par les jeux de torture et les dominatrices sans pitié, la sexualité BDSM comporte bien plus de nuances. Au-delà de son mystérieux acronyme, le BDSM se veut surtout un jeu entre personnes consentantes qui invite à la variété et la sensorialité. Sa mission? Il n’y en a pas qu’une seule. On pourrait croire que ce type de sexualité vise la douleur, le contrôle ou la punition, mais en vérité, le BDSM consiste tout simplement à faire les choses autrement. Par là, on entend explorer le potentiel de sensations physiques, d’états psychologiques et de dynamiques relationnelles possibles à travers différents scénarios sexuels et érotiques. Parce que le BDSM a beaucoup à nous apprendre, on vous propose aujourd’hui un survol de ses codes, de ses valeurs et de quatre kinks qui y sont associés.
Des concepts et des définitions
Pour les lecteurices moins initié.e.s, un lexique s’impose d’abord. Traditionnellement, l’acronyme BDSM anglophone signifie : bondage, discipline, sado masochism, quoi qu’aujourd’hui les variations bondage, discipline, domination, submission, slave and master sont plus communément adoptées. D’ordre général, les adeptes de BDSM se qualifient de kinky, un concept qui fait référence à un ensemble d’intérêts et de comportements sexuels « hors de l’ordinaire ». Bien sûr, le tout se situe sur un continuum : il y a de ceux et celles qui raffolent des orgies, alors que d’autres demandent simplement à leur partenaire de les étrangler légèrement pendant le missionnaire. J’utilise cette comparaison pour illustrer le fait que le concept du kink ne réfère pas toujours à une pratique hyper élaborée qui cherche à repousser toutes les limites du corps et de l’esprit. En effet, l’étranglement, de même que la fessée, le tirage de cheveux, le sexe anal et le jeu de rôles sont des actes de plus en plus populaires et ce même chez les individus qui n’ont pas d’intérêt pour le BDSM autrement. Pourtant, toutes ces pratiques sont comprises dans la sexualité kinky, puisque celle-ci fait tout simplement référence aux actes se trouvant à l’extérieur des scénarios dits « conventionnels » par la culture.
Vanille ou tabou?
En l’occurrence, le terme « sexualité vanille » est généralement utilisé pour traduire le contraste entre la sexualité dite « habituelle » et les expériences kinky. Que ce soit cependant clair entre nous, l’une n’est certainement pas mieux que l’autre. En matière de sexualité, il faut savoir se défaire des normes et des idées sur la normalité : les comparaisons et les hiérarchies sont trompeuses. Chacune de ces sexualités à le potentiel d’épanouir, de nourrir l’intimité et de satisfaire. D’un côté, il est encore nécessaire de rappeler que le BDSM n’est pas une pratique tordue ou déviante. De l’autre, il semble aussi important de souligner qu’il n’y a aucune honte à préférer les classiques et la vanille. En fin de compte, personne n’est plus plate ou plus intéressant.e en raison de ses choix et préférences sexuelles : la sexualité vanille peut satisfaire bien des envies, tout comme le BDSM comble d’autres aspects de l’érotisme.
Le fétichisme : une nécessité au kink?
Le fétichisme nous vient fréquemment à l’esprit lorsqu’on pense à la sexualité kinky et au BDSM. Dans sa définition la plus simple, celui-ci se distingue toutefois du kink. Le fétichisme consiste plutôt à ressentir une excitation sexuelle très forte envers quelque chose d’inanimé : un vêtement ou matériel (pensez au latex, le cuir, le satin), une partie du corps (les pieds, les cheveux), ou un type d’objet (les souliers, les instruments médicaux). Alors que les fétiches sont amplement répandus et célébrés à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté BDSM, ils ne représentent qu’une seule dimension du BDSM. Enfin, il peut être dit d’un kink que celui-ci se transforme en fétiche lorsqu’il devient la source principale de plaisir et d’excitation. Dans ce contexte, l’individu en question éprouve ainsi peu d’excitation sexuelle si le fétiche n’est pas compris dans l’activité sexuelle. Bien que cette définition ne fasse pas toujours consensus, elle permet de comprendre la singularité du fétichisme et la façon dont celui-ci s’articule dans la sexualité.
Identité, style de vie, communauté
L’humanité connaît bien des sous-cultures depuis ses débuts. Que ce soit par les arts ou la politique, lorsqu’un groupe d’individus partage un même intérêt, il se lie par ce sentiment d’appartenance et forme une culture propre à cette réalité ; complète avec son esthétisme, ses codes et ses croyances. La sexualité n’y fait pas exception. Fortement revendiqué comme un style de vie, le BDSM est en lui-même une forme de marqueur identitaire, une source de fierté et de passion. Après tout, s’initier à ce type de sexualité demande bien souvent de revoir ses conceptions sur l’érotisme et de déconstruire ses notions de tabous. Lorsqu’on parle de BDSM, il faut d’ailleurs insister sur le principe de communauté, puisque cette sous-culture est grandement régis par son socle social. Que ce soit par l’entremise de donjons (des évènements exclusifs où les membres sont invités à prendre part à des activités sexuelles ensemble), les MUNCH Parties (des rassemblements sociaux où les membres peuvent interagir et tisser des liens) et les forums en ligne, les individus qui forment cette communauté tirent un plaisir égal du fait d’être immergé.e.s ensemble, d’éprouver de l’intérêt pour les expériences des autres et de continuellement renouveler leurs apprentissages. Le Fetish Weekend, festival à l’honneur du kink où donjons, ateliers et défilés de mode sont prévus, s’installera d’ailleurs à Montréal en septembre pour célébrer sa 19e édition. En fin de compte, ce n’est pas si différent du principe de Comiccon ou de la parade de fierté LGBTQQIP2SAA ; chaque communauté étant unie par l’esprit solidaire et le désir de partage.
Une question de motivations
Avant de se lancer avec la présentation des kinks, notons que les jeux BDSM sont très souvent motivés par des scénarios de pouvoir : celui-ci peut être échangé entre plusieurs personnes et exploiter de sorte à susciter tout un ensemble d’émotions, de fantasmes et dynamiques relationnelles. Typiquement, une personne adopte le rôle dominant, l’autre est soumise et le jeu se déploie à partir de cette prémisse. S’il est important de comprendre le BDSM au-delà du stéréotype de violence, précisons qu’une bonne part de la communauté s’adonne à des jeux plus avancés où la douleur, l’humiliation sont des éléments cruciaux au plaisir. Cela étant dit, le BDSM est avant tout une entente : on parle d’un jeu, puisqu’il s’agit d’un terrain balisé où tous les partis impliqués conviennent soigneusement des attentes, des désirs et des limites entourant le scénario. Tout un système est d’ailleurs mis en place pour assurer le consentement et le plaisir continu. L’organisation du BDSM étant hautement complexe (et absolument fascinante), nous y reviendrons plus tard.
Sans plus attendre, voici quatre kinks et leurs définitions :
1. Le bondage
Le bondage fait référence à la contention, c’est-à-dire la restriction du corps et des mouvements sous diverses formes. Dit simplement, il est question d’être attaché.e ou d’attacher l’autre. Sorte de continuum, le bondage s’étend de pratiques simples et intuitives à des configurations parfois très élaborées. Par exemple, nombreuses personnes intègrent à leur vie sexuelle l’utilisation de menottes ou de cordes fixées à la tête de lit. Dans d’autres contextes, le bondage est pratiqué au moyen d’un ligotage vertigineusement complexe, faisant appel à des barres d’écartement, du ruban adhésif et même des cordes faites pour la suspension aérienne de longue durée. Lorsque le bondage est exploré ainsi, les visées se centrent majoritairement autour du jeu de pouvoir. Un plaisir psychologique peut être tiré du fait de gagner un contrôle sur l’autre (domination) ou de céder le plein contrôle (soumission). Certaines expériences de bondage ont même pour but d’atteindre un état de trans induite par la restriction physique et mentale. Bien qu’il soit souvent joué selon un scénario de punition, le bondage est en quelque sorte synonyme de libération. Pensez-y : il faut une pleine confiance en l’autre et même en ses propres habiletés afin de se permettre de lâcher prise de la sorte!
Petit fait intéressant : le Shibari est un art traditionnel japonais qui consiste à ligoter un individu en produisant des nœuds précis et variés jusqu’à créer un motif esthétique sur le corps. Cette pratique combine à la fois l’art visuel et l’érotisme, où même la personne chargée du ligotage éprouve un plaisir dû au niveau de compétence élevé de la pratique. Le chevauchement entre la pratique du Shibari et du bondage est commune parmi les cercles BDSM et il existe même plusieurs studios récréatifs qui se spécialisent dans cette fusion à Montréal.
Si votre curiosité est piquée, faites appel à nos conseillers.ères en boutique : iels sauront vous guider vers l’instrument le plus adapté à vos désirs et votre niveau d’expertise. Le bondage peut être une expérience euphorique, mais il nécessite aussi des connaissances accrues et des mesures de sécurité particulières.
2. Le contrôle de l’orgasme
Ce scénario fait aussi appel à un jeu de pouvoir et peut prendre plusieurs formes. L’objectif est de contrôler le moment de l’orgasme et la façon dont la personne soumise pourra jouir. Par exemple, dans un jeu de déni d’orgasme, la personne dominante refuse que l’autre ait un orgasme lorsqu’iel le désire. Plutôt, elle lui ordonnait de jouir à un moment particulier ou pourrait même choisir de laisser l’autre sur sa faim. Similairement, le edging consiste à repousser la jouissance en amenant à répétition la personne soumise près de l’orgasme, toujours en arrêtant la stimulation à la toute dernière seconde. Quand celle-ci se verra enfin octroyer le droit de jouir, l’expérience et les sensations seront exacerbées en raison du refoulement et de l’accumulation. L’orgasme forcé, au contraire, pourrait ressembler au fait d’attacher la personne soumise et de lui « infliger » de multiples orgasmes, parfois à l’aide de jouets à vibrations puissantes. La plupart de ces jeux s’accompagnent généralement d’une forme d’humiliation consentie, dans le but de créer un état psychologique propice aux fantasmes et à l’exacerbation des sensations. Outre le plaisir physique intense associé au relâchement de l’orgasme, ces jeux de contrôle sont communément appréciés pour leur côté spontané qui fait plutôt appel à la proximité émotionnelle, la communication et la confiance entre les partenaires. C’est d’ailleurs tout une vision de l’érotisme qui orchestre ce jeu : il y a ceux et celles qui éprouvent un plaisir dans le fait de s’entraîner à l’art de la discipline, alors que d’autres ont un fantasme d’infériorité et se servent de ces jeux pour affirmer leur position d’objet. Que ce soit pour la punition ou la gratification, l’univers du contrôle de l’orgasme est chargé de dynamiques et de fantasmes riches, créatifs et bien plus complexes qu’on ne le pense.
Petit fait intéressant : Certaines formes de contrôle d’orgasme peuvent se pratiquer individuellement. En effet, l’Internet regorge de communautés kinky adeptes du edging en solo. Ces amateurices rapportent tirer un fort plaisir du fait de se sentir dans un état constant de désir et revendiquent fièrement le nombre de jours depuis le dernier orgasme, ce qui peut parfois s’étendre sur plusieurs mois. Force est de saluer leur dévotion!
Envie de ressentir l’extase et le soulagement total? Prenez soin de demander conseil à des expert.e.s. Les partenaires qui s’adonnent à ces jeux doivent être informé.e.s sur les meilleures manières de soutenir le consentement et le plaisir de l’autre pendant la durée de l’activité.
3. La dynamique Master-Slave et 24/7
Certains jeux BDSM reposent davantage sur la dynamique entre deux partis plutôt que sur les actes pratiqués. La dynamique Master-slave consiste en une relation généralement romantique ou sexuelle qui est elle aussi structurée par un jeu de pouvoir : une personne est maître et l’autre, son esclave. Entre la vénération, le service et l’obéissance, tout un ensemble de règles et de comportements peuvent être créés : s’agenouiller en tout temps en présence de la personne maîtresse, attendre le droit de parole, manger en dessous de la table, obtenir la permission pour utiliser la salle de bain, etc. En d’autres mots, le contrôle est complètement céder à la personne maîtresse et des punitions sont même entendues afin d’assurer le maintien de la dynamique et d’entretenir la bonne conduite. À cet effet, le 24/7 est une dynamique Master-slave qui se joue en tout temps et qui permet d’ajouter une dimension continue au plaisir, où la gratification sexuelle et le rapport érotique perdurent dans le quotidien. Les codes de conduite s’étendent donc en dehors de la chambre à coucher et s’installent parmi les activités mondaines : il peut s’agir de porter un collier cadenassé pour symboliser son état de propriété, laissez la personne maitresse choisir ses vêtements, lui céder le contrôle des finances, accomplir certaines tâches domestiques, entretenir un jour de mantras relatifs à la soumission et même fixer des heures heure où telles pratiques sexuelles seront réalisées. Chaque dynamique à ses propres variations. Vraiment, les possibilités sont infinies et c’est ce caractère créatif et personnalisé qui fait des dynamiques Master-slave une expérience transcendante.
Petit fait intéressant : Les jeux de dénis d’orgasmes sont souvent présents parmi les dynamiques 24/7 Master-slave et peuvent se dérouler sur de plus longues périodes, par l’entremise de cages et de ceintures de chastetés servant à bloquer l’accès aux organes génitaux, empêcher l’érection et rendre la masturbation impossible. Certaines cages à pénis sont même conçues avec une ouverture pour uriner et peuvent ainsi être portées plusieurs jours et nuits d’affilées. En suivant les ordres et instructions entendues, la personne soumise n’aura ainsi pas le droit ni la capacité d’avoir du plaisir, le but étant de l’amener dans un état de dépendance totale.
On ne devient pas esclave ou maître en une journée! Si l’idée d’une telle dynamique vous émoustille, on vous donne rendez-vous en boutique pour se mettre à l’étude. Un ou une bonne partenaire de jeu est informée, attentive et sensible : avant de se lancer dans les jeux, il faut connaître les codes à respecter.
4. Les jeux de sensation
Comme nous le mentionnons tout à l’heure, le BDSM ne se limite pas qu’à la douleur. En vérité, il y a tout un éventail de jeux et des pratiques qui relèvent en fait de la sensorialité et qui usent même d’une certaine tendresse et sensualité. En guise de classique, il y a les jeux d’impacts, qui se résument aux fouets et aux cravaches. Cette forme de jeu demande habituellement plus de temps, puisque l’objectif est de créer une accumulation. Ici, tant les sensations physiques que l’endurance psychologique sont stimulantes. D’autres jeux moins connus, tel que le Wax play, consiste à faire couler de la cire chaude sur la peau et les zones érogènes de la personne soumise. Enfin, l’électrostimulation est une pratique qui utilise des jouets dotés de fréquences statiques douces de sorte à stimuler les terminaisons nerveuses de la peau. Qu’on l’utilise sur les fesses, les mamelons ou les organes génitaux, tout est dans l’éveille des sens et la progression, ce qui confère au jeu un caractère assez holistique.
Si les jeux de sensations sont parfois suffisamment considérés excitants pour constituer l’activité sexuelle à eux seuls, ils peuvent aussi servir de préliminaires à une autre expérience. On peut par exemple amener la personne soumise jusqu’à un certain stade physique ou mental, puis entreprendre un autre type de jeu en profitant des effets précédemment suscités par le jeu de sensation. Parmi les leçons que le BDSM a à nous apprendre, il est fort intéressant de constater que cette sexualité n’est pas du tout dépendante de la génitalité et, par exemple, de la pénétration. Nos corps sont si réceptifs et nos esprits, si vastes! Il y a certainement quelque chose d’exaltant dans le fait d’utiliser ceux-ci comme vecteurs de sensations et d’émotions, et de faire naître le plaisir à travers l’échange.
Petit fait intéressant : un jeu de sensation réussi mêle l’expérience physique aux états psychologiques, en misant sur la surprise, l’anticipation et l’accumulation. En plus des jeux de sensations précédemment énumérés, on peut s’amuser à bander les yeux de notre partenaire et à jouer avec les contrastes : fouetter la personne jusqu’à ce que la peau rougisse, puis chatouiller la surface irritée à l’aide de plumes, ou encore placer une chandelle sous ses pieds et un glaçon dans sa bouche. En trompant les sens et le cerveau, on amplifie toutes les sensations. La désorientation et le sentiment d’être à la merci de l’autre contribuent eux aussi à l’effet de trans tant recherché.
Ennivré.e.s par l’idée de vivre de telles expériences? Attention, les jeux de sensation requiert énormément de connaissances, de préparation et surtout, de précautions. Filez en boutique pour un topo sur les meilleures manières de vous initier. La sécurité est essentielle ; voilà une autre leçon du BDSM.
Le BDSM : un univers infini
Lorsque la connaissance rencontre la créativité, le BDSM éclos. Plus qu’une simple partie de jambe en l’air, c’est un univers complexe et riche en théories sur les genres, la signification du pouvoir et la libération à travers le tabou. Les personnes qui s’y adonnent sont pour la plupart passionnées et se dévouent à cette forme de sexualité qui demande patience, apprentissages et de multiples habiletés interpersonnelles.
Rendre compte de l’entièreté du BDSM et faire état de ses nuances et motivations s’avère un défi de taille. Revenez-nous dans deux semaines pour une analyse portant sur les bienfaits, les valeurs et les pratiques éthiques associées au monde du kink. Alors que les méconceptions abondent et que le BDSM continue d’être voilé d’un stigma, cette analyse s’adresse à tous ceux et celles qui s’intéressent plus largement à la sexualité. Eh oui : que vous soyez vanille ou autre chose, il y a de quoi s’inspirer de l’esprit savant et méticuleux du BDSM.
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