– La classe est finie. Merci a tous !

Concert de grincements de chaise. Les étudiants se rhabillent et sortent a la queue leu leu en saluant Cassandra.

Enfin la shift est finie. La jeune femme note avec satisfaction le ton plein de respect de ses élèves.

Que penseraient-ils s’ils savaient que le teacher s’envoyait en l’air sur les toits de East London avec un ex étudiant ?

Cela va de soi, pour elle, que les élevés l’estiment. En classe comme au lit, elle s’est en général sentie comme maître a bord. Ça lui vient tout seul, au moment où les élèves se taisent pour l’écouter.. Ou au moment où son amant lui fait des avances.

Si elle n’avait pas ça, elle ne pourrait pas se supporter elle-même au quotidien, avec son tempérament apologetic qui la fait passer pour une serpillière.

Il lui a toujours semble que, au moment où elle lâcherait le «bâton» en classe ou sous les draps, ce serait la catastrophe. Les élèves se rebelleraient, le mâle profiterait d’elle.

Jusqu’à l’autre soir…

Elle n’aurait jamais cru que lâcher sa garde un instant puisse être si incroyablement merveilleux. S’il fallait être honnête, elle dirait même à Karl qu’elle ne s’est presque jamais sentie aussi proche de quelqu’un. Et jamais personne ne l’a fait jouir aussi fort.

Sans vraiment connaître son amant pourtant. Presque sans lui parler. C’était juste ce sentiment silencieux d’être là l’un pour l’autre pour un bref moment.

Cassie se demande si l’homme d’affaires a ressenti ça aussi. Après avoir fait passionnément l’amour, le couple est reste nu dans les bras l’un de l’autre jusqu’au petit matin. Karl a débouchonné une bouteille de vin et les amants ont ri, échangé des banalités sur leur vie en chuchotant.

Cela n’avait au fond rien d’intéressant. Mais le ton sur lequel c’était dit donnait l’impression qu’il s’agissait de confidences extraordinaires. Et puis ils refaisaient l’amour avant de reprendre leur conversation.

Et Cassie pensait tout le long : «Comme ce serait bien d’avoir quelqu’un comme ça dans ma vie». Tout en ayant conscience que Karl n’était qu’un substitut de cet homme qu’elle cherchait. Un mirage, rien de réel.

Mais le regard de Karl sur elle était différent lorsqu’ils s’étaient quittés : plus chaleureux, plus complice. Le regard d’un véritable ami. Il l’avait enlacée et il avait planté un dernier baiser langoureux, une dernière caresse sur l’entrejambe avant de la quitter.

Il devait être dans l’avion de retour pour Francfort a l’heure qu’il était.

Cassie éteint toutes les lumières de la salle avant de sortir. Dans le couloir, elle marche lentement tout exprès. Elle sait qui elle va rencontrer.

– Cassie ?

La jeune professeur se retourne.

– Bonsoir Louis. Je croyais que c’était «Cassandra» ou «Mrs. Lloyd».

Le sourire timide du jeune français disparaît.

– Mais «Cassie» ira très bien, ajoute Cassie en tentant un grand sourire.

Louis a l’air rasséréné par cet encouragement.

– Je crois qu’on devait parler. Non ?

– Parler pro ? Ou parler sentimental ?

Louis vacille. C’est presque imperceptible, mais Cassie le voit.

– Que voulez-vous dire ?

Cassie prend son souffle.

– Vous savez bien ce que je veux dire, Louis. Vous savez que vous me plaisez. Depuis longtemps. Vous le savez très bien – et vous vous en êtes servi pour me faire travailler comme vous le souhaitiez. Pensant sans doute que jamais je n’oserais vous demander quoi que ce soit. Vous avez cru que j’obérais jusqu’à la fin des temps en espérant vainement que vous preniez les devants…

– Non, dit simplement le jeune homme visiblement contrarie.

– … Donc, Louis, cette situation ne peut plus durer. Je ne gâche pas ma vie uniquement par conscience professionnelle. Je le fais pour vous. À présent, si vous voulez me garder, ce sera comme votre copine. Autrement, je m’en vais.

Louis ne dit plus rien.

– C’est pourtant facile. «Oui» ou «Non». Un monosyllabe. Comme votre dernière réponse.

– Vous me demandez de sortir avec vous ?

– Je crois bien.

Louis baisse la tête. Cassandra l’entend murmurer :

– Oui…

Cassie sursaute et ne peut s’empêcher d’ouvrir un large sourire.

– Oui ?

– Oui.

Louis a presque l’air d’un enfant pris en flag’ en train de chiper des gâteau au sommet de l’armoire.

Cassandra s’approche de lui, toute tremblante. Cela fait bien longtemps qu’elle n’a pas eu cette sensation d’avoir des la guimauve dans les jambes et des papillons dans le ventre.

Elle se trouve tout près de lui, bassin contre bassin. Le corps de son patron est tiède. La chemise blanche sent bon le linge propre. Louis pose une main sur la taille de la jeune femme.

Il est toujours temps de fuir M. Valons, dit Cassandra avec un demi-sourire.

Louis lui jette un œil songeur.

– Non. Tu avais raison Cassie, tout ceci n’a que trop attendu. Pas de « peace of mind » avant de t’avoir embrassée.

– Alors libère-toi.

Cassie reçoit enfin le baiser dont elle avait tant rêvé. C’était donc si simple ! Et dire qu’avant de faire l’amour avec son allemand, elle désespérait de voir quelque chose arriver un jour. Merci Karl !

Embrasser Louis, c’est comme embrasser une fleur tiède et humide. Quelle délicatesse chez ce petit français taciturne. Cassandra s’abandonne au plaisir et se fond dans les bras de son Gaulois avec un soupir.

Pendant ce temps, Karl, dans son avion, songe avec un sourire que même un homme désabusé, père de deux enfants peut avoir des surprises… Ah ces Anglaises !

 

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